Au plaisir des dames #1
« Ding ! »
Un sms venait d’arriver sur le smartphone de Raphaël.
Vous avez un message du site « Au plaisir des dames » .
Alors, voyons ce que dit ce message.
« Bonjour Raphaël. Sylvie sollicite vos services ce vendredi soir. Si ce rendez-vous vous intéresse, merci de confirmer directement sur le site en ligne. »
Raphaël se connecta au site et accéda à sa boîte personnelle. Le lieu était apparemment situé à Théoule sur mer. Il alla voir sur Google Earth à quoi correspondait l’adresse du boulevard des Alpes et vit qu’il s’agissait d’un quartier résidentiel avec des propriétés isolées ayant quasiment toutes vue mer.
-Wahou ! se dit-il. Grand luxe ! Ça me fera le plus grand bien ce petit début de week-end sur la Côte, surtout avec la semaine que je viens de passer au boulot…
Ce n’était pas toujours le cas. La plupart des lieux de rendez-vous étaient plus « classiques », sans pour autant que l’accueil en fût moins agréable que dans ce genre de propriété de millionnaire.
En effet, les critères de sélection des membres du site n’étaient pas basés sur l’argent, mais sur la correction, la courtoisie, l’éducation, le savoir vivre, la convivialité et bien entendu, l’âge : les moins de dix huit ans étaient systématiquement éconduits.
Les prestations n’étaient d’ailleurs pas payantes, ce qui d’une part garantissait aux organisateurs du site de ne pas tomber pour proxénétisme et d’autre part, de ne pas créer un rapport, ni une sélection par l’argent. Les mandants étaient des femmes, donc des mandantes, alors les prestataires étaient des hommes ou des femmes selon les goûts des mandantes.
Tout était basé sur l’envie et le désir de personnes qui s’étaient affranchies de certains tabous de la société. De toute façon, en dehors de cette vie parallèle, chacun avait sa vie et un métier, qu’il s’agît des mandantes ou des prestataires.
Ce type de site avait, depuis longtemps déjà, germé dans bien des esprits, mais seule une femme avait été suffisamment motivée et s’était investie pour que cela passe le stade du projet de fond de tiroir : « O ».
O était de longue date une militante du plaisir, du désir au féminin et de l’épanouissement sexuel des femmes. Son credo : « déculpabiliser les femmes vis-à-vis de leur corps afin qu’elles cessent d’avoir peur de leur désir ».
Elle avait contacté chacun des membres de l’équipe des prestataires grâce à son carnet d’adresses bien rempli, notamment dans les milieux libertins. Elle ne faisait pas partie de ce genre de milieu, du moins de façon assidue, mais ayant travaillé dans le milieu du sexe, elle avait rencontré des gens qui connaissaient d’autres gens…
C’était donc une de ses relations qui lui avait parlé de Raphaël.
Sachant qu’elle était toujours à la recherche de bons candidats du fait de la notoriété grandissante du site auprès de la gente féminine.
Ils avaient dîné un soir dans un bouchon de la capitale des Gaules, où il résidait et O lui avait expliqué Au plaisir des dames. Tout au long du repas, elle l’avait jaugé sur pièce et elle fut rapidement convaincue du choix de Raphaël pour compléter sa liste de prestataires.
Elle avait d’ailleurs eu beaucoup de mal à garder la tête froide face à sa plastique qui combinée à un sourire ravageur et à ce charme naturel qu’ont les hommes totalement à l’aise avec la compagnie des femmes, l’avait faite fondre comme le fait une belle pâtisserie derrière une devanture de chez Ladurée.
Il n’avait même pas cherché à la séduire. Simplement il l’avait regardée toute la soirée, comme un homme qui aime la compagnie des femmes, regarde une femme sans plus se poser de questions.
Elle lui avait expliqué que le site n’était là que pour mettre en relation des femmes ayant envie de passer un bon moment avec des hommes (ou des femmes) triés sur le volet. O prenait sa fonction de sélectionneuse très au sérieux. Il s’agissait pour cette militante de la cause du plaisir féminin, d’avoir un réseau d’hommes et de femmes entièrement dédiés à donner du plaisir aux dames qui le désiraient.
Des séminaires étaient même régulièrement proposés aux prestataires afin de parfaire leurs connaissances dans des domaines variés comme la sexologie bien sûr mais également psychologie, soins d’esthétique, massages, gastronomie…
Parfois des professionnels du sexe étaient invités sur des sujets ayant trait au plaisir féminin. Le but étant que les prestataires pussent offrir aux mandantes des instants d’une grande qualité.
La grande Nina Hartley avait fait partie des intervenants un soir, assistée d’un traducteur, pour un séminaire sur le thème du cunnilingus. À l’issue d’un brillant exposé théorique, l’ex actrice avait proposé que quelques membres de l’assistance se livrent à une épreuve pratique sur sa personne. Après un moment de flottement silencieux où tout le monde, craignant un bide, s’était plus ou moins regardé, genre « cap, pas cap », la seule femme de l’assistance s’était proposée et avait réalisé une prestation que Nina avait jugé « TREMENDOUS ! ».
Tout ceci n’était évidemment pas gratuit et autant il n’y avait pas de rapport d’argent entre prestataires et mandants, autant il fallait bien que cette organisation vive financièrement. En fait, quel que fût leur statut, les différents membres s’acquittaient d’une sorte de cotisation mensuelle dont le montant était basé sur leurs revenus. Femme politiquement avec des idées de gauche, O tenait beaucoup à ce mode de financement.
Les débuts avaient été hésitants et les quelques mandantes qui faisaient partie du réseau, étaient principalement issues des milieux libertins. Mais avec le temps et le bouche à oreille, ce nombre s’était grandement étoffé à travers tout le pays.
Raphaël était célibataire, critère qui bien que n’étant pas obligatoire, était fortement conseillé. Car les règles étaient très strictes sur le plan des potentielles embrouilles et plusieurs personnes, mandantes ou prestataires, avaient été rapidement exclues de manière définitive.
Il avait bien quelques flirts de temps à autre, mais rien de sérieux au grand dam de ses éphémères conquêtes. Et sa vie de célibataire libertin lui convenait particulièrement pour le moment.
Il faut dire que Raphaël était un homme qui avait tout pour lui. Tout d’abord, il était une personne absolument adorable, doublée d’un charmant physique. Vraiment bel homme, il avait un visage qui faisait penser à Gilles Marini, cet acteur qui avait joué le personnage de Dante dans le film « Sex and the city » et avec un corps étoffé par son hobby sportif : le football américain.
Enfin, pour clore le tableau, Raphaël était un jeune gynéco-obstétricien de trente quatre ans. Praticien attaché mi-temps à HEH, pour garder un pied au CHU et s’occuper des patientes atteintes de cancer ou des grossesses pathologiques. Il exerçait le reste du temps dans une clinique privée à proximité pour faire des gestes moins lourds comme de la PMA ou des reconstruction clitoridiennes qu’il avait appris chez Pierre Foldes.
Ses revenus et sa vie de célibataire lui permettaient d’habiter un loft de belle taille proche de la place Bellecour, ce d’autant qu’il ne possédait pas de voiture, se rendant sur les lieux de son exercice en vélo ou en transports en commun. Il préférait louer un véhicule en fonction de ses déplacements à distance, y voyant un intérêt financier et écologique.
-Alors…. Lyon-Théoule, waze me met environ 4 heures.
-Vendredi matin c’est assez calme, j’ai juste deux dames de dix à douze pour ponction d’ovocytes sur mon planning. Si les anesthésistes ne traînent pas, j’aurai le temps de passer prendre une douche, me changer, manger un morceau et direction la Côte. Il fera beau, donc je louerai une décapotable. Voyons ce qu’ils ont en stock chez « Anciennes Auto Services »…. Excellent : une vieille MG décapotable. Banco !
14h35, il passait tranquillement la barrière de péage de Vienne-Reventin au volant d’une ravissante petite MG cabriolet verte avec jantes à rayons, direction plein sud. Détendu, il roulait sans se presser sur la file de droite, profitant du vent chaud de cette fin juin qui caressait son visage masqué derrière ses Raybans vintages, s’accordant avec son véhicule des années soixante. Touche finale au tableau, il écoutait à bon volume, tout un recueil du Killer, ancienne icône du Rock’n’roll qu’il avait découvert à travers le film A bout de souffle made in America avec Richard Gere.
Depuis trois ans maintenant qu’il était acteur du site, Raphaël avait rarement été insatisfait par ses rencontres. Toutes ne s’étaient pas forcément soldées par une partie de jambes en l’air, même si ce fut le cas de la majorité, mais toutes avaient été conviviales.
Il était assez souvent sollicité pour un rendez-vous, le physique y étant pour beaucoup dans ces relations sans lendemain. Il avait pourtant choisi une photo assez sage, prise à la terrasse d’un café par une de ses copines du moment et ne l’avait jamais changée.
Les mandantes avaient également la possibilité de ne pas voir les photos et même de laisser l’ordinateur choisir pour elles en fonction de leur critères de séduction, voire d’une absence totale de choix concernant même le sexe de la personne. Ce qui pouvait répondre au fantasme de l’inconnu.
Sylvie n’avait exposé qu’une partie de son corps ou plutôt, qu’une petite partie de son visage : ses yeux, surmontés d’une frange de cheveux noirs. Difficile de se faire une idée sur son physique, mais le regard pétillant sur la photo lui avait donné l’envie de cette rencontre. Tant de choses passent dans un simple regard et les femmes, ces séductrices nées pour lesquelles tant d’hommes sont tombées dans leurs rets, le savent depuis les temps antiques.
Arrivé à destination vers 19h00, il se gara le long du mur en pierres de taille de la propriété.
La douce chaleur du bord de mer, le chant continu et hypnotisant des cigales, une délicate odeur de jasmin, le lierre grimpant recouvrant le mur se mêlant aux bougainvilliers, des cyprès, des palmiers… L’image de carte postale de la côte d’Azur.
Raphaël descendit de la voiture et alla sonner à l’interphone situé à droite d’une porte d’entrée en bois sur le mur de clôture.
Bonjour, c’est Raphaël…
-Bonjour. Je vous ouvre le portail. Garez votre voiture à l’intérieur et venez me rejoindre à la piscine, côté mer de la terrasse.
A peine eut-elle raccroché, qu’il entendit le vrombissement électrique du portail. Il reprit le volant et se gara dans l’allée qui faisait suite. Bon, apparemment, elle ne viendrait pas à sa rencontre. Se saisissant de son baise-en-ville, il fit le tour de la maison jusqu’au panorama de cette Méditerranée éternelle se fondant avec le ciel à l’horizon.
C’est là qu’il la vit, sortant nonchalamment marche par marche de la piscine et dévoilant progressivement ses seins nus, son ventre nu, ses hanches nues et son sexe entièrement nu…
Telle Aphrodite ruisselante sortant de sa baignoire-grotte naturelle, camouflée dans la végétation chypriote, sous le regard envoûté d’Adonis ; brune aux cheveux mi-longs s’avançant vers lui avec ce même regard que sur son profil et qui visiblement se délectait de l’effet produit sur son hôte.